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N’écrivez pas quand vous arrêtez de fumer !

ALEATOIRE

Aleatoire_BIllustration de Runi

Excédé par l’incompétence répétée de ses subalternes, le Shogun Omnipotent marche à vive allure dans les couloirs de sa cité. Aujourd’hui, enfin, devrait être un bon jour.
Ses ingénieurs en robotique ont mis au point un modèle de robot de guerre dernier cri, avec ces machines plus aucun irradié du désert n’oseras s’opposer à lui, sa cité rayonnera sur des centaines de kilomètres à la ronde. Le top du top, le nec plus ultra, les anges de l’enfer à son service prêt à dématérialiser le moindre rebelle d’un claquement de doigts.
Enfin c’est ce que ses conseillers lui ont dit, mais pour être franc, un léger doute l’habite toujours quelque peu.
Le sas du hangar de démonstration s’ouvre, le responsable des recherches l’accueille, un homme obséquieux et transpirant :  » Votre grâce, tous les préparatifs sont terminés, nous attendons votre signal pour commencer la manœuvre « . Le Shogun ne prenant même pas la peine de lui répondre, s’installe, difficilement à cause de son surpoids, sur un trône grotesque qui fait face à un large terrain d’entraînement militaire.
L’Omnipotent fait un vague signe de la tête, l’officier s’affaire devant une console électronique et appuie sur plusieurs boutons clignotants.
Un robot militaire entre dans l’arène, toutes armes déployées.
Le responsable des recherches, tremblotant dans sa sueur, chuchote péniblement à l’oreille du Shogun.  » Maître, pardonnez moi, mais je crois que nous avons un problème.  »
Les yeux du Shogun s’écarquillent.Au guidon de son Chopper à l’éthanol, Jack pourfend la steppe à plein gaz. Ca roule pour lui ! Des milliers de kilomètres sans rencontrer personne ! Cette guerre nucléaire n’a pas eu que des effets négatifs, deux trois pilules Nextron et on ne ressent même pas les radiations. Par contre ils auraient au moins pu faire des efforts pour rendre la piste un peu moins monotone ! Jack somnole par moment, mais au moins, ici, lui et son Chopper peuvent avaler les kilomètres sans entraves.
Soudain, une forme inhabituelle se distingue au loin.
Ah! Un peu d’animation. Plus il s’en approche et plus sa température augmente. Rien à voir avec le soleil écrasant, ce qu’il voit suffit à faire bouillir son sang: une barrière se dresse au milieu de la piste !
Jack DOIT s’arrêter, il mets son engin sur béquille et s’approche de cette barrière en métal solidement ancrée au sol.  » Merde alors ! Qu’est ce que c’est que cette connerie ?  » Il pivote sur lui-même.
Rien.
Rien à perte de vue.
Il y a un minuscule texte gravé dans la barrière, Jack doit se baisser pour réussir à le décrypter :  » Ici commence la propriété de M. Kosyrza, pour tout renseignement consultez la borne.  »
 » Une barrière dans le no man’s land ? Quel est le crétin qui s’amuse à faire ça ?  » S’en est trop, il se redresse et file un violent coup de savate à la barrière.  » Aie ! ». Le métal est plus solide qu’il ne paraissait et Jack se fracture net le gros orteil !
Mais son attention se porte sur autre chose : un objet métallique, en forme de poteau rectangulaire d’un mètre cinquante de haut, surgit subitement du sol.
Jack, les yeux écarquillés et se tenant le pied,  écoute la borne répéter inlassablement la même phrase :  » Soyez assurer de notre reconnaissance pour votre respect du bien d’autrui « .Rien ne se passe comme prévu…
Au fond de lui le Shogun s’y attendait. D’abord ce robot infernal, qui étale toute sa puissance de feu, impressionnante il est vrai, mais pour  essayer de le détruire, lui, le Shogun !
Heureusement que les champs de forces qui l’entourent tiennent bon. Et maintenant cette espèce de créature électronique qui depuis l’écran géant du terrain d’entraînement ne cesse de l’invectiver avec un curieux accent :  » Vois ventripotssent ! Vois ce robot, il est comme toute chose doté d’électroniqusse, il n’est qu’une pousspée, ce ne sont que des pousspées, et je suis leur maître ! « .
Le Shogun est passablement las, il a pourtant étranglé le responsable des recherches de ses propres mains, mais rien n’y fait, il est las :  » Vous allez quand même bien trouver quelque chose pour virer cette monstruosité électronique hors de ma cité ? « . L’officier derrière la console est le seul à prendre le risque de répondre.
 » Maître, je crois l’avoir identifié, c’est un avatar du réseau, une sorte de parasite qui s’incarne de façon complètement aléatoire dans toute sorte d’objet connecté à la toile, il devrait bientôt repartir, c’est un comble de malchance qu’il se soit incarné dans notre robot… »
Un geste de la main du Shogun interrompt l’officier, celui-ci comprend qu’il est dans son intérêt de ne pas en rajouter.
Le Shogun observe la créature virtuelle à l’abri derrière ses champs de forces. Le visage de l’I.A. sur l’écran géant ne cesse de changer d’expression, de rage à une forme de satisfaction, puis à nouveau de rage. L’omnipotent est soudain piqué d’une curiosité malsaine :  » Alors monstruosité virtuelle, tu t’amuse bien avec mon robot ? Qu’est ce qu’une aberration telle que toi peut espérer de la vie ?
Intelligence Artificielle : Moi ? Ce que j’espèrsse ? Mais rien. Je suis le filsss du Réseau, l’aboutissement du bytsse, le nomade de la toile. Je suis tout et partssout, que pourrais-je vouloir ?
Shogun : Ah non ! Ca, c’est moi qui te le demande ! Tu vas pas me la jouer divinité psychotique ! Quoique à la vue de ton existence absurde je puisse comprendre ton déséquilibre. Mais par exemple, est-ce que l’utilisation de mon robot te procure de quelconques sensations ?
I.A. : Des sensssations ? Bien sûr mon gras dirigeant, j’ai expérimenté des sensssations que jamais vous ne pourrez ne serait-ce qu’imaginer.
Et chaque nouvelle incssarnation est pour moi comme un nouveau cadeau des Dieux. Je dois d’ailleurs vous avouer que votre robot manqusse singulièrement de souplesssse.
L’officier prévient discrètement le Shogun : A votre signal nous pouvons l’éjecter hors de la cité.
Shogun : Tu peux te garder tes commentaires, tu n’es qu’une anomalie abjecte, et tu ne ressens que par procuration. Je te souhaite de t’incarner dans un broyeur à merde, tu auras des sensations à ta mesure.  »
Le Shogun abaisse la main et l’officier s’exécute, l’I.A. est renvoyé dans la multitude de chemins sans fin.

Le robot s’affale tel une poupée de chiffon.

A ce moment précis l’Omnipotent eu pour la première fois depuis des mois un léger sentiment de satisfaction.

Jack est hors de lui, il a dû déballer tout le contenu de ses sacoches pour retrouver ce qu’il cherchait : son couteau tronçonneuse. Et maintenant il l’utilise, plein fer ; la barrière est au sol, tronçonnée.
Il aurait pu, c’est vrai, la contourner, puisqu’il n’y a aucun grillage de chaque coté de l’obstacle, mais Jack n’est pas du genre à éviter les problèmes.
« …d’autrui, soyez assurés de notre reconnaissance pour votre respect du bien d’autrui, soyez assuré de notre reconnaissance… « Maintenant c’est au tour la borne.Il l’attaque par la base, l’émission du texte automatique cesse, Jack éructe :  » Tu fais moins la fière maintenant hein !  »
Mais la borne lui réponds :  » Non  »
Jack est stupéfié, il coupe sa tronçonneuse :  » Tu parles ? Enfin bien sûr que tu parles…Mais, je veux dire : tu entends ce que je dis ?
Borne : Bien sûr que j’entends ce que tu dis, c’est même la seule chose que je psseux faire dans cette horrible machine. Je t’en supplie, arrête de me dssécouper !  »
Jack s’exécute, il retire son couteau, mais il n’est plus bien sûr de ce qu’il doit penser. Il faut dire qu’il fait une chaleur à crever sous ce soleil, et, avec les pilules anti-radiations il commence peut être à avoir des hallucinations.
Mais il tient l’occasion de s’expliquer avec le propriétaire de cette foutue barrière :  » Dis moi, euh… Borne. Est-ce que tu peux me passer M. Kosyrza ?
Borne : Pardon ? Comment vous m’avez appsselé ?
Jack : Non ce n’est pas toi que j’appelle, je veux que tu me passe ton patron, j’ai deux mots à lui dire.
Borne : Mon patron ? Mais qui êtes vous pour osez sscroire que j’ai un patron ? Je suis le fils du bssyte ! Ou me suis-je incarné ? Dans un asile de fous ? Dites moi ! Je ne vois rien ! Je suis le nomade de la toile et je n’ai aucssun maître !!!  »
A l’écoute de ces dernières paroles, la vue de Jack se trouble. S’en est trop. On l’avait mis en garde contre les effets secondaires des pilules, mais il ne s’attendait pas à des hallucinations aussi fortes.
Il a beau s’être accroupi et se masser la base du nez, il entends toujours cette bête machine vociférer des propos incohérents :  » …Mais humains, vous croyez pouvoir me tourner en dérision, m’expulser, mais vous n’aurez pas le dernier mot, croyez moi … »

Mieux vaut en rester là, après tout la barrière est au sol, il a accompli son devoir de routard libre.

Il enfourche son chopper, et taille la route.

Un bain chaud avec cette adorable Jessica, voilà qui devrait apaiser le Shogun. Depuis quelques jours il se sent mieux, presque un début d’entrain, de goût à la vie. Demain il tentera peut être une sortie dans le désert, à condition que les irradiés ne soient pas en masse devant la porte de la cité comme la dernière fois. Il demandera conseil au nouveau responsable de la sécurité, comment s’appelle t’il déjà ? Burkaï ? Il ne sait plus, il en use au moins un par semaine.
Jessica se glisse dans le bain et s’active immédiatement.  » Hummm  » ces filles robots n’ont pas leur pareil pour satisfaire un homme.
Paradoxalement, c’est peut être la visite de cette stupide I.A. qui a remotivé le shogun, l’imaginer face à son terrible destin d’âme errante, voilà qui le distrait.
 » Hoouuu « , cette Jessica est décidément incroyable, il la regarde, elle est profondément concentrée, mais il lui trouve quelque chose de changé.
Elle le regarde à son tour, l’œil noir, puis s’exclame avec une voix étrange :  » Je suis toujours en quête de nouvelles sensatssions.  »

Aleatoire

FIN

Lagrue Sans Tabac.

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